Le fantastique est un genre littéraire que l'on peut décrire comme
l’intrusion du surnaturel dans le cadre réaliste d’un récit, autrement dit
l’apparition de faits inexpliqués et théoriquement inexplicables dans un
contexte connu du lecteur, ressemblant au merveilleux mais différent tout de
même.
Selon le théoricien de la littérature Tzvetan Todorov, le fantastique ne serait
présent que dans l’hésitation entre l'acceptation du surnaturel en tant que tel
et une tentative d’explication rationnelle. En cela, le fantastique est situé
entre le merveilleux (et son
incarnation contemporaine, la fantasy), dans lequel le surnaturel est accepté et
justifié car le cadre est imaginaire et irréaliste, et l’étrange, dans lequel il
est expliqué et accepté comme normal. Contrairement à ces deux genres, le héros,
comme le lecteur, a presque systématiquement une réaction de refus, de rejet ou
de peur face aux événements surnaturels qui surviennent.
Cette définition plaçant le fantastique à la frontière de l'étrange et du
merveilleux est généralement acceptée, mais a fait l'objet de nombreuses
controverses, telle que celle menée par Stanislas Lem.
Le fantastique est très souvent lié à une atmosphère particulière, une sorte
de crispation due à la rencontre de l’impossible. La peur est souvent présente,
que ce soit chez le héros ou dans une volonté de l’auteur de provoquer
l’angoisse chez le lecteur ; néanmoins ce n’est pas une condition sine qua non du
fantastique.
Par extension, le fantastique définit également un genre cinématographique dont la signification est
sensiblement la même (Cf. article cinéma fantastique).
Genres
apparentés et sous-genres [modifier]
On considère souvent le fantastique comme très proche de la science-fiction.
Néanmoins, d'importantes différences les distinguent : la science-fiction ne
relève pas du surnaturel, et se veut rationnelle. Ainsi, La Machine à explorer le
temps, de H. G.
Wells, est un roman de science-fiction, car le héros voyage dans le temps
grâce à une machine conçue à cet effet, autrement dit grâce à un procédé
technologique, certes inconnu dans l'état actuel des connaissances humaines,
mais qui, étant présenté comme technologique, ne peut être qualifié de
surnaturel.
En français, une erreur
fréquente consiste à appeler « fantastiques » tous les textes appartenant au
genre anglo-saxon de la fantasy, comme ceux de J. R. R. Tolkien, alors qu’ils appartiennent
en réalité au domaine du merveilleux. Cette erreur est due à l’absence de terme
approprié permettant de nommer la fantasy en français.
Le fantastique est également apparenté au réalisme magique, genre propre à la
littérature latino-américaine et fondé sur l'insertion d'éléments surnaturels
dans un récit réaliste. Mais les faits surnaturels y sont considérés comme
normaux, ce qui fait du réalisme magique une branche du merveilleux et non du
fantastique.
Panorama de la littérature
fantastique [modifier]
Les origines du
genre [modifier]
Caspar David
Friedrich
Le roman gothique [modifier]
Article détaillé : Roman gothique.
La véritable source du genre fantastique est le roman gothique anglais de la fin du XVIIIe siècle. Outre l'apparition des thèmes propres au
fantastique (les fantômes, le Diable, les vampires) ces romans caractérisés par
une atmosphère d'horreur plus prononcée introduisent l'ambiguïté caractéristique
du genre. Parmi les œuvres les plus représentatives, citons Le Moine de Matthew Gregory
Lewis (1796), Les mystères d'Udolphe d'Ann Radcliffe (1794) et Melmoth, l'homme
errant de Charles Robert Maturin (1820).
Le romantisme
frénétique [modifier]
Article détaillé : Romantisme frénétique.
Pétrus
Borel
La découverte des gothiques anglais donne lieu en France à une profusion
d'oeuvres dites « frénétiques » (On parle aussi de « roman noir »). Encore très
marquées par le merveilleux, ces œuvres introduisent dans le roman français le
goût pour l'horreur et le macabre.
William Beckford était anglais, et
pourtant c'est le français qu'il a choisi pour écrire Vathek (1786), l'un des principaux romans de
tendance frénétique. Il situe l'action en Orient, et donne au roman l'aspect
d'un conte oriental qui rappelle Les Mille et Une Nuits. L'histoire
est celle de la descente aux enfers d'un calife ayant cherché à obtenir des
pouvoirs surnaturels en concluant un pacte avec le Diable.
L'autre grand roman frénétique est Le Manuscrit trouvé à
Saragosse du polonais Jean Potocki, écrit lui aussi en français. Se
présentant sous la forme d'un assemblage de récits indépendants avec quelques
personnages récurrents, il propose une grande diversité de types de récits : le
roman noir, le roman picaresque, le conte, le récits philosophique, etc.
Cependant, le surnaturel est omniprésent dans le roman.
Après ces deux œuvres imposantes, le roman frénétique atteint son apogée avec
les « petits romantiques ». Pétrus Borel, dans Champavert, contes
immoraux (1833) et surtout dans Madame de Putiphar (1839), est encore
plus provoquant que les anglo-saxons, en particulier dans sa complaisance pour
l'horrible. La cruauté des récits de Champavert annonce Auguste de Villiers de
L'Isle-Adam. De plus, Borel a écrit un véritable récit fantastique,
Gottfried Wolfgang (1843).
Parmi les œuvres marquantes du gothique français, il faut aussi évoquer des
romans qui, ayant été écrits dans le but de parodier les récits de Lewis et
Radcliffe, sont devenus d'authentiques romans noirs. Dans ce registre, le
critique littéraire Jules
Janin a notamment écrit L'âne mort et la femme guillotinée (1829). De
même, Les mémoires du Diable de Frédéric Soulié utilise tous les
ressorts du roman gothique, et ne cache pas sa dette envers le Marquis de Sade.
Le
Diable amoureux de Jacques Cazotte [modifier]
L'autre précurseur de la littérature fantastique est le français Jacques Cazotte dont le
court roman, Le
Diable amoureux (1772), est considéré comme le premier récit fantastique
de langue française. Il relate l'histoire d'un jeune homme, Alvare, qui tente de
convoquer le Diable. Celui-ci lui apparaît sous les traits de la charmante
Biondetta. Teinté d'influences ésotériques, ce roman aura une influence directe
sur Charles Nodier et
ses successeurs français.
La naissance du
véritable fantastique : E.T.A. Hoffmann [modifier]
E.T.A.
Hoffmann
C'est en Allemagne au début du XIXe que naît
la littérature fantastique proprement dite, avec Adelbert von
Chamisso (Peter Schlemilh) puis Achim von Arnim et E.T.A. Hoffmann (Fantaisies à
la manière de Callot, Contes nocturnes).
Le fantastique de Hoffmann se caractérise par l'exaltation, le chaos, et la
frénésie. Le roman Les
Elixirs du diable, qui revendique la filiation du Moine de Lewis,
accumule de façon souvent incohérente les épisodes de natures très différentes :
histoire d'amour, méditations esthétiques ou politiques, aventures picaresques,
épopée familiale, extases mystiques, etc. Le thème de la folie et de la solitude
est central dans l'œuvre de Hoffmann comme dans celle de Chamisso.
Hoffmann a eu une influence universelle et pratiquement continue sur le
genre. Ses contes forment un véritable répertoire du fantastique, décliné par la
suite par d'autres auteurs et dans d'autres arts (opéra, ballet, cinéma).
Le
fantastique de langue française [modifier]
Théophile
Gautier
Naissance et essor du fantastique
en France [modifier]
Dès les années 1830 les contes
d'Hoffmann sont traduits en français par Loève-Veimars et
rencontrent un succès spectaculaire. Après Le Diable amoureux de Jacques Cazotte, Nodier est l'un des
premiers écrivains français à écrire des contes fantastiques. Pourtant, il ne
voit dans ce genre qu'une manière nouvelle d'écrire des récits merveilleux[1] ; le
fantastique lui est prétexte au rêve et à la fantaisie. Il écrit d'ailleurs une
étude sur le fantastique[2], qui montre que pour Nodier la frontière
entre merveilleux et fantastique est assez floue. Peuplés de fantômes, de
vampires et de morts-vivants, ses textes possèdent cependant ce qui caractérise
le fantastique : l'ambiguïté, l'incertitude, l'inquiétude. Ses contes les plus
connus sont La Fée aux miettes (1832),
Smarra ou les démons de la nuit (1821) et Trilby ou le lutin
d'argail (1822).
Puis plusieurs des plus grands de la littérature française s'essayent au
genre.
Honoré de
Balzac, auteur d'une dizaine de contes et de trois romans fantastiques, a
été lui aussi influencé par Hoffmann[3]. Outre L'Élixir de longue vie (1830)
et Melmoth réconcilié (1835), sa
principale œuvre fantastique est le roman La Peau de chagrin (1831), dont le
personnage principal a conclu un pacte avec le Diable : il achète une peau
de chagrin qui a le pouvoir d'exaucer tous ses souhaits mais qui, symbolisant sa
vie, se réduit à chaque fois qu'il y a recours. Malgré la composante
fantastique, ce roman est inscrit dans le réalisme : Balzac utilise à la
description pour peindre les lieux de Paris ; il fait intervenir la psychologie
et la situation sociale de ses personnages. Mais dans l'ensemble, l'œuvre
fantastique de Balzac n'est pas conçue comme une finalité. Tout du moins, Balzac
ne cherche pas à effrayer ou à surprendre le lecteur, et ne fait pas intervenir
de quelconques vampires ou loups-garous. Il s'agit plutôt d'une œuvre de
réflexion, inscrite dans le cadre de la Comédie humaine. A travers la
puissance allégorique des personnages et des situations, Balzac écrit avant tout
des contes
philosophiques.
Guy de
Maupassant
Grand admirateur de Hoffmann, Théophile
Gautier est un auteur incontournable de la littérature fantastique. Habités
par la fantaisie et le désir d'évasion, ses contes sont parmi les plus aboutis
sur le plan de la technique du récit. Gautier brille à tenir le lecteur dans le
doute tout au long de ses histoires, et à le surprendre au moment de la chute.
Il est l'auteur de quelques chefs-d'œuvre que l'on retrouve régulièrement dans
les anthologies dédiées au fantastique, tels La
cafetière (1831) et La Morte amoureuse (1836).
Prosper
Mérimée n'a écrit qu'un nombre très restreint d'œuvres fantastiques
(quelques nouvelles tout au plus), mais celles-ci sont d'une grande qualité.
La Vénus
d'Ille (1837), en particulier, est l'une des plus célèbres nouvelles du
genre. Mérimée a également traduit La Dame de pique de Pouchkine, et
qu'il a publié une étude sur Nicolas Gogol, le maître du fantastique
russe.
Après avoir écrit des textes fantastiques sous l'influence du romantisme
allemand de Goethe et d'Hoffmann[4], Gérard de Nerval
a écrit un ouvrage majeur, Aurélia (1855), dans un style plus poétique et
personnel. Il a également rédigé un autre texte dans un style similaire, La
Pandora (1854).
Guy de
Maupassant est à l'évidence l'un des plus grands auteurs de littérature
fantastique. Son œuvre est marquée par le réalisme, genre dans lequel il a bâti
sa renommée ; elle est fortement ancrée dans le quotidien[5]. Ses thèmes récurrents sont la peur,
l'angoisse et surtout la folie, dans laquelle il va d'ailleurs sombrer peu avant
sa mort. On les retrouve dans son chef-d'œuvre, Le Horla (1887). Sous forme de journal intime, le
narrateur relate ses angoisses dues à la présence d'un être invisible.
L'hésitation repose sur la folie possible du narrateur.
Symbolisme et fantastique fin
de siècle [modifier]
Villiers de
L'Isle-Adam
La fin du XIXe siècle
voit l'essor de la littérature dite « décadente », dont les thèmes de prédilection
sont la cruauté, le vice et la perversité. Dans le sillage d'oeuvres telles que
À rebours de Joris-Karl
Huysmans ou Les Diaboliques de Jules
Barbey d'Aurevilly, le fantastique n'est plus une finalité, mais un moyen
permettant de faire passer une provocation, une dénonciation ou une volonté
esthétique. Il n'y a donc plus durant cette période d'« écrivains
fantastiques », mais de nombreux auteurs qui ont écrit quelques textes
fantastiques. Le conte se fait plus maniéré, les descriptions se font riches,
l'exotisme et l'érotisme
deviennent des éléments importants. Enfin, le conte fantastique est une occasion
de faire de la critique sociale, souvent dirigée contre le matérialisme
bourgeois, par exemple dans les Contes cruels de Villiers de L'Isle-Adam.
Par ailleurs, les symbolistes décadents ont largement recours au
fantastique dans leurs contes ; celui-ci n'est alors pas très éloigné de la
fable et de l'allégorie[6].
Léon Bloy a écrit deux
recueils de contes, Sueurs de sang (1893) et Histoires
désobligeantes (1894). Ses récits, même s'ils ne sont pas tous fantastiques,
relèvent de l'étrange ou du surnaturel. Rédigeant dans un style incendiaire,
Bloy a la volonté de choquer ses lecteurs par la cruauté de ses histoires. Un
autre écrivain qui a fait de tout ce qui est cruel, malsain ou sordide sa source
d'inspiration favorite est Jean Lorrain, auteur notamment de Monsieur de
Phocas, l'une des œuvres phares de la littérature fin de siècle.
Ses nombreux contes fantastiques sont répartis dans plusieurs recueils, dont le
meilleur est certainement Histoires de masques (1900).
Le symboliste
Marcel Schwob est resté
insensible à l'atmosphère délétère des œuvres décadentes. Utilisant le
merveilleux et l'allégorie pour faire du fantastique, il est l'auteur de deux
recueils de contes, Cœur Double (1891) et Le Roi
au masque d’or (1892). Il convient aussi de retenir le recueil
Histoires magiques (1894) d'un autre symboliste, Rémy de
Gourmont, dans lequel l'influence de Villiers de L'Isle-Adam
est indéniable, et qui est le seul de son auteur à contenir des contes
fantastiques.
Henri de
Régnier a écrit en 1919 un recueil de trois nouvelles fantastiques
d'importance, Histoires incertaines[7], dont l'esthétique est directement
influencée par la littérature fin de siècle.
Le fantastique belge
[modifier]
Le développement d'une littérature fantastique particulière en Belgique au
XXs est une chose curieuse, mais indiscutable. Il est d'autant plus important de
l'évoquer, que le fantastique joue un rôle central dans la littérature belge en
général. Le fantastique belge naît du symbolisme et du réalisme à la fin du XIXe[8]. Le symbolisme crée une atmosphère propice
à l'intrusion du surnaturel, que ce soit par l'allégorie, la féérie, ou son
caractère allusif. L'œuvre majeure de ce courant est Bruges-la-Morte de Georges Rodenbach
(1892). A côté du symbolisme se développe un courant réaliste et rustique, dont
le principal représentant est Georges Eekhoud. Marquée par un réalisme de
l'outrance et de l'hyperbole[9], son œuvre laisse apparaître un recueil
majeur, Cycles patibulaires (1892)
Deux écrivains ont contribué à apporter au fantastique belge sa maturité : Franz Hellens et Jean Ray. Le premier, alternant entre
symbolisme et réalisme, s'est illustré dans un genre que l'on qualifie parfois
de « réalisme
magique ». Ses ouvrages principaux sont Nocturnal (1919) et Les
réalités fantastiques (1923). Le second est certainement le plus connu de
tous. Jean Ray est un réel
novateur de la littérature du surnaturel au XXe. Il a la particularité d'avoir considéré le genre
fantastique comme une totalité, et s'y est consacré de manière exclusive. Il est
l'auteur d'un fantastique débridé dont la plus grande réussite est Malpertuis (1943).
Enfin, Michel de Ghelderode, en marge de son
imposante œuvre théâtrale, a également écrit Sortilèges (1945), un
recueil de nouvelles fantastiques tenu pour une référence du genre.
L'Angleterre
victorienne [modifier]
Oscar
Wilde
L'Angleterre victorienne n'a suscité que peu d'auteurs fantastiques à
proprement parler, les subtiles ambiguïtés propres au genre ne trouvant guère
d'écho dans la tradition littéraire anglaise. Ainsi des nouvelles de Thomas de Quincey,
qui s'inscrivent plus nettement dans la tradition du roman gothique que dans
celle du fantastique.
L'Irlandais Sheridan Le Fanu est l'auteur de Carmilla (1871), un roman gothique
dont l'originalité réside dans le personnage de la femme vampire homosexuelle.
Il a inspiré le célèbre Dracula
de son compatriote Bram
Stoker (1897), chef-d'œuvre incontesté des histoires de vampires.
Oscar Wilde écrit
également l'un des plus célèbres romans fantastiques anglo-saxons, Le
Portrait de Dorian Gray (1891), dans lequel le personnage principal voit
son portrait vieillir et prendre chaque marque de ses vices, tandis que lui
possède la jeunesse éternelle et se livre à tous les excès. Wilde développe dans
ce texte sa réflexion sur l'esthétisme et met en scène le conflit entre les
déchéances physique et morale. La sensualité et l'homosexualité parcourent
également l'ouvrage en filigrane. Dépassant largement le cadre du fantastique,
ce roman a exercé une forte influence sur la littérature française, en
particulier sur les écrivains décadents[10]. Par ailleurs, Oscar Wilde a écrit une
parodie d'histoire de fantômes, Le Fantôme de Canterville
(1887).
D'autres écrivains de grande renommée ont signé quelques textes fantastiques,
que ce soit Robert Louis Stevenson (Markheim,
Olalla) ou bien Rudyard Kipling.
L'écrivain anglo-américain Henry James a régulièrement abordé le fantastique
au cours de sa carrière littéraire, et plus précisément les histoires de
fantômes[11]. Le
plus abouti de ses textes est Le Tour d'écrou (1898), une
référence dans l'art de l'hésitation entre explication rationnelle et
irrationnelle. Le style allusif de James amène le lecteur à douter de chacun des
protagonistes tour à tour, de sorte que la vérité ultime sur cette histoire
n'est pas révélée à la fin du récit ; ce choix est laissé au lecteur. Ce livre
est aussi remarquable pour le caractère fantomatique de ses personnages[12].
Cette période vit aussi la naissance de nouveaux genres de littérature
populaire : le roman
policier avec Wilkie
Collins, la science-fiction avec H. G. Wells et Mary Shelley. Bien plus tard, c'est encore en
Angleterre que naîtra le genre Fantasy, avec Bilbo le Hobbit de J. R. R. Tolkien
(1937).
Le fantastique
américain [modifier]
Edgar
Poe
A sa naissance au début du XIXe siècle,
la littérature américaine est
fortement marquée par le roman gothique anglais et le fantastique. Nathaniel
Hawthorne, puis Washington Irving et surtout Edgar Allan Poe
imposent aussi la nouvelle et le conte comme formes d'expression privilégiées.
Poe joue aussi un rôle particulier en élaborant une théorie esthétique
personnelle. Enfin, il fait aussi partie des pionniers de la science-fiction et du roman policier.
Washington
Irving, l'un des premiers grands écrivains américains, a écrit de nombreux
contes qui se rapprochent plus de la légende que du récit surnaturel à
proprement parler. Il se caractérise par son réalisme, ainsi que par le ton
ironique qu'il emploie. Son recueil le plus connu est le Sketch Book
(1819), qui contient le conte Rip Van Winckle, l'une des deux premières
œuvres fantastiques américaines vraiment originales, avec Peter Rugh, le
disparu de William Austin (1824)[13].
Nathaniel
Hawthorne a rédigé quelques textes faisant appel au surnaturel[14]. Ils
sont marqués par l'oppression dans une Amérique puritaine, et ont pour thème
récurrent la malédiction, en référence aux légendes de sorcellerie.
Quoique le fantastique occupe peu de place dans son œuvre abondante, Francis
Marion Crawford est l'auteur d'un recueil de grande qualité dans le genre,
Wandering Ghosts[15] (1891).
Tout en s'inspirant de cette tradition, H. P. Lovecraft lui donne un tour particulier,
plus proche de l'horreur. Lovecraft inspirera de
nombreux auteurs au XXe siècle,
notamment Stephen
King.
Le fantastique russe
[modifier]
Les récits
populaires [modifier]
C'est Alexandre Pouchkine qui introduisit le
genre fantastique en Russie avec le célèbre conte la Dame de pique (1834). À partir de cette
date le fantastique devint un genre de prédilection de la littérature russe,
trouvant ses thèmes dans les contes et légendes populaires. Apparaît alors un
fantastique proche du merveilleux, dans des œuvres telles que La famille du
Vourdalak d'Alexis Konstantinovitch
Tolstoï, L'effroyable vengeance de Nicolas Gogol ou encore Le pré Béjine d'Ivan Tourgueniev.
Nicolas
Gogol
Le réalisme
fantastique [modifier]
La littérature fantastique russe va vraiment trouver une unité et un
caractère propre dans des œuvres réalistes marquées par une inquiétude profonde,
faisant preuve d'une plus grande sincérité que les bijoux littéraires issus de
la « mode » du fantastique, en France notamment[16]. C'est le cas du Manteau de Gogol
et de L'aigle blanc de Nikolaï Leskov. On retrouvera ce réalisme
bien plus tard dans le roman de Andreï Biély, Petersbourg, et
dans Un démon de petite envergure de Fédor Sologoub.
Le grotesque [modifier]
Encouragé par Pouchkine, Nicolas Gogol publie des contes fantastiques dont
les plus célèbres sont le Nez et le Journal d'un fou, publiées
dans le recueil des nouvelles de Pétersbourg. Ces
récits introduisent un changement de nature assez profond par rapport à la
tradition fantastique. La peur y joue un rôle négligeable ; en revanche
l'absurde et le grotesque deviennent un élément essentiel. Ce style nouveau fera
des émules en Russie même : Le Double, un des premiers romans de Dostoïevski, est directement inspiré de
l'œuvre de Gogol.
Le fantastique
de langue allemande des années 1890-1930 [modifier]
Gustav
Meyrink
Le début du XXe est marqué par l'essor
dans les pays germanophones d'un fantastique sombre et pessimiste. Les oeuvres
qui paraissent durant cette période deviennent des sources d'inspiration du cinéma
expressionniste qui se développe alors en Allemagne.
Gustav Meyrink est
l'un des plus grands écrivains fantastiques de cette période. Grand amateur de
sciences occultes, il distille dans ses romans des thèses occultistes dans le
but d'initier ses lecteurs. Son roman le plus célèbre, Le Golem (1915),
est placé sous le signe de la Kabbale. Il peint le tableau d'une humanité
dégradée et misérable dans le quartier juif de Prague. Son autre roman
fantastique majeur est La Nuit de Walpurgis (1917).
Il a pour thème la violence et la folie collective, et fait écho à la boucherie
de la Première Guerre Mondiale.
Plus controversé, Hanns Heinz Ewers est l'auteur d'une œuvre
abondante qui, si elle lorgne plus souvent sur l'étrange que sur le fantastique,
reste largement dans le domaine du surnaturel. Avec un penchant prononcé pour le
macabre, le sang, et un érotisme malsain, ses ouvrages se veulent provocateurs
et ont souvent été jugés immoraux. Ewers est surtout connu pour son roman Mandragore. Il est l'auteur d'un
autre roman significatif, L'Apprenti-sorcier (1909) , ainsi que de
nombreuses nouvelles, dont la plus connue est L'Araignée (1907).
L'écrivain et dessinateur autrichien Alfred Kubin a publié en 1909 un unique roman
fantastique, L'Autre Côté, où l'on retrouve
l'atmosphère cauchemardesque de ses dessins. Ce roman, dans lequel le rêve et la
réalité forment un écheveau inextricable, est considéré par Peter Assman, le
principal biographe de Kubin, comme « un pas essentiel pour le développement de
la littérature fantastique européenne »[17].
D'autres œuvres fantastiques importantes sont écrites durant cette période,
notamment Le marquis de Bolibar de Leo Perutz et Le baron
Bagge d'Alexander Lernet-Holenia. C'est
également à cette époque que Franz Kafka rédige La métamorphose, que l'on considère
parfois comme une nouvelle fantastique.
Jorge Luis Borges [modifier]
Entre 1920 et 1960, la ville de Buenos Aires est le centre d'une intense activité
littéraire et culturelle. C'est aussi un lieu de refuge pendant les années de
guerre pour des écrivains européens liés à la littérature fantastique tels que
Witold
Gombrowicz et Roger
Caillois. En 1931 se créé la revue Sur (Le Sud) sous la
direction de Victoria
Ocampo. Parmi ses collaborateurs se trouvent Jorge Luis Borges, Adolfo Bioy
Casares, et Silvina
Ocampo, sœur de Victoria et épouse de Bioy Casares.
Cette revue devient le lieu d'un nouveau regard sur la littérature
fantastique, porté par l'érudition et le goût du pastiche. Borges déclare ainsi
que « l'érudition est la forme moderne du
fantastique ». Ce fantastique que l'on pourrait qualifier de post-moderne cherche ses thèmes aussi bien dans
l'histoire littéraire que dans la philosophie et la théologie, tout en
conservant un caractère angoissant ou effrayant. De nouveaux thèmes sont
explorés : les voyages à travers le temps, les mondes parallèles, les vies
parallèles...
Aspects du
fantastique [modifier]
Détail de L'Enfer de Jérôme Bosch
La peur [modifier]
La lecture de textes fantastiques provoque souvent mais non nécessairement –
un sentiment de peur ou d'angoisse. Sigmund Freud explique ce sentiment par l'inquiétante
étrangeté propre à la littérature fantastique. Le terme allemand utilisé
par Freud est unheimlich qui signifie « non-familier » mais aussi
« non-caché ». Ainsi, le propre du fantastique serait de révéler des choses
habituellement cachées, des choses que nous ne voulons pas voir : le sang, les
cadavres, la nuit, les ruines.
Le Mal [modifier]
Les manifestations du surnaturel dans la littérature fantastique sont
généralement néfastes : pas de place pour les anges, les bonnes fées ou les bons
génies. Le fantastique fait la part belle au Mal et à ses incarnations. C'est aussi une littérature de
la souffrance, de la folie, de l'échec. En ce sens, elle marque une rupture
profonde avec l'optimisme du siècle des Lumières. Cet aspect trouvera un écho au
XXe siècle
chez les surréalistes.
La sexualité [modifier]
Le Cauchemar, Johann Heinrich
Füssli.
La psychanalyse
interprète volontiers le genre fantastique comme l'expression de désirs sexuels
inavouables. Il est relativement facile en effet d'associer à chacun des
thèmes du fantastique une forme de sexualité anormale : ainsi, la sorcellerie
équivaut à la nymphomanie, le vampirisme au sado-masochisme etc.[réf. nécessaire]
Toutefois cet aspect concerne plutôt le surnaturel en général que le fantastique. De plus,
comme tous les symboles, les thèmes du fantastique peuvent recevoir des
interprétations différentes suivant le contexte. Ainsi le symbole du Double peut
signifier l'isolement d'un individu qui n'a plus de contact avec le monde
extérieur.
Par ailleurs la sexualité intervient explicitement et non plus symboliquement
dans de nombreux récits fantastiques. Un désir amoureux très violent est souvent
la cause qui amène le héros à basculer dans un univers fantastique (par exemple
la Chevelure de Maupassant ou encore le diable amoureux).
La
littérature fantastique et la censure [modifier]
Le fantastique a souvent été utilisé par des auteurs pour contourner la
censure. Les romantiques allemands ont ainsi pu glisser des critiques politiques
sous les dehors de la fiction. Parfois le simple fait d'adopter le genre
fantastique vaut revendication de l'autonomie de la littérature contre ceux qui
veulent l'asservir : ainsi des auteurs russes dissidents à l'époque du réalisme
socialiste.
De même, on tolérera plus facilement des idées choquantes si elles sont
présentées comme l'œuvre de la folie ou du Diable : scènes scabreuses du
fantastique fin de siècle français, phobie raciste et misanthrope chez H. P. Lovecraft,
etc.
Le
fantastique en tant que littérature de l'interprétation [modifier]
Le texte fantastique est par nature ambigu et demande à être interprété
correctement. Les auteurs ont donc souvent recours à des techniques narratives
qui conditionnent le lecteur. Les textes courts (contes et nouvelles) qui
permettent de maintenir la tension dramatique sont privilégiés. Il est souvent
fait appel à un narrateur, parfois redoublé d'un second narrateur qui introduit
le récit et le met à distance.
Le lecteur du texte fantastique se retrouve face à un choix paradoxal : soit
il fait confiance au narrateur et accepte la version « surnaturelle », et alors
le texte devient évidemment une fiction ; soit il préfère une explication
« rationnelle » qui ramène le texte dans le champ du réalisme, mais alors il
doit mettre en doute la crédibilité du narrateur.
On peut aussi envisager le fantastique comme l'interprétation littérale de
figures métaphoriques. Ainsi le cloporte de la Métamorphose de Kafka est
à la fois une métaphore de l'individu insignifiant et un véritable insecte. Le
fantastique amène donc à s'interroger sur ce qu'est un texte littéraire et sur
son rapport à la réalité. Dans At Swim-Two-Birds par exemple, Flann
O'Brien imagine ainsi un auteur aux prises avec ses personnages qui refusent de
lui obéir, un thème que développera également Marcel Aymé.
Voir aussi [modifier]
Notes et
références [modifier]
Bibliographie [modifier]
Eric
Lysøe, Littératures fantastiques. Belgique, terre de l'étrange,
Labor, 2003;
Les Kermesses de l'étrange, Nizet, 1993;
« Pour une théorie générale du fantastique », Colloquium Helveticum,
n° 33, 2002 [2003], p. 37-66;
Préface et notes du Voyage à Visbecq, roman fantastique de 1794 écrit
par un auteur anonyme belge, Anacharsis, 2007 [1];
Joël Malrieu, Le Fantastique, Hachette, Paris, 1992;
Max Milner, La
Fantasmagorie, essai sur l’optique fantastique, PUF, Paris, 1982;
Mario Praz :
Le Pacte avec le serpent, 3 volumes, Christian Bourgois, 1989, 1990,
1991;
La Chair, la Mort et le Diable : Le romantisme noir, Gallimard/Tel,
1998;
Jean-Luc
Steinmetz, La littérature fantastique, Presses Universitaires de
France, 1960;
Tzvetan Todorov,
Introduction à
la littérature fantastique, Seuil, 1971;
Louis
Vax :
La séduction de l'étrange. Etude sur la littérature fantastique,
Presses Universitaires de France, 1964;
L'art et la littérature fantastique, Presses Universitaires de
France, 1960.
Catégories [modifier]
Articles connexes [modifier]
Le fantastique ne doit pas être confondu avec :
Liens externes [modifier]
Sur les autres projets Wikimedia :
Articles généraux
Dossier sur la littérature Fantastique sur le site de Clio
et Calliope
Dossier sur le fantastique de l'Encéphi
Articles de Roger Bozzetto, spécialiste de la littérature
fantastique et de Science-Fiction.
Sur la définition du fantastique
Approche
et définition du fantastique et de la science-fiction cinématographiques par
le théoricien du cinéma Jean-François Tarnowski, dans la
revue Positif
Jean-Louis Backès, « Le mot "fantastique" », sur le site de la
Bibliothèque comparatiste
(en) Todorov's fantastic notion of literature, article de
l'écrivain polonais Stanislas Lem concernant la définition proposée
par T. Todorov du genre fantastique.
Hanter les marges du fantastique, article de Samuel
Minne à propos d'un ouvrage de R. Bozzetto et A. Huftier.
Une exposition itinérante existe sur le fantastique et les Mythes et
Légendes : http://www.mythesetlegendes.fr
l’intrusion du surnaturel dans le cadre réaliste d’un récit, autrement dit
l’apparition de faits inexpliqués et théoriquement inexplicables dans un
contexte connu du lecteur, ressemblant au merveilleux mais différent tout de
même.
Selon le théoricien de la littérature Tzvetan Todorov, le fantastique ne serait
présent que dans l’hésitation entre l'acceptation du surnaturel en tant que tel
et une tentative d’explication rationnelle. En cela, le fantastique est situé
entre le merveilleux (et son
incarnation contemporaine, la fantasy), dans lequel le surnaturel est accepté et
justifié car le cadre est imaginaire et irréaliste, et l’étrange, dans lequel il
est expliqué et accepté comme normal. Contrairement à ces deux genres, le héros,
comme le lecteur, a presque systématiquement une réaction de refus, de rejet ou
de peur face aux événements surnaturels qui surviennent.
Cette définition plaçant le fantastique à la frontière de l'étrange et du
merveilleux est généralement acceptée, mais a fait l'objet de nombreuses
controverses, telle que celle menée par Stanislas Lem.
Le fantastique est très souvent lié à une atmosphère particulière, une sorte
de crispation due à la rencontre de l’impossible. La peur est souvent présente,
que ce soit chez le héros ou dans une volonté de l’auteur de provoquer
l’angoisse chez le lecteur ; néanmoins ce n’est pas une condition sine qua non du
fantastique.
Par extension, le fantastique définit également un genre cinématographique dont la signification est
sensiblement la même (Cf. article cinéma fantastique).
Genres
apparentés et sous-genres [modifier]
On considère souvent le fantastique comme très proche de la science-fiction.
Néanmoins, d'importantes différences les distinguent : la science-fiction ne
relève pas du surnaturel, et se veut rationnelle. Ainsi, La Machine à explorer le
temps, de H. G.
Wells, est un roman de science-fiction, car le héros voyage dans le temps
grâce à une machine conçue à cet effet, autrement dit grâce à un procédé
technologique, certes inconnu dans l'état actuel des connaissances humaines,
mais qui, étant présenté comme technologique, ne peut être qualifié de
surnaturel.
En français, une erreur
fréquente consiste à appeler « fantastiques » tous les textes appartenant au
genre anglo-saxon de la fantasy, comme ceux de J. R. R. Tolkien, alors qu’ils appartiennent
en réalité au domaine du merveilleux. Cette erreur est due à l’absence de terme
approprié permettant de nommer la fantasy en français.
Le fantastique est également apparenté au réalisme magique, genre propre à la
littérature latino-américaine et fondé sur l'insertion d'éléments surnaturels
dans un récit réaliste. Mais les faits surnaturels y sont considérés comme
normaux, ce qui fait du réalisme magique une branche du merveilleux et non du
fantastique.
Panorama de la littérature
fantastique [modifier]
Les origines du
genre [modifier]
Caspar David
Friedrich
Le roman gothique [modifier]
Article détaillé : Roman gothique.
La véritable source du genre fantastique est le roman gothique anglais de la fin du XVIIIe siècle. Outre l'apparition des thèmes propres au
fantastique (les fantômes, le Diable, les vampires) ces romans caractérisés par
une atmosphère d'horreur plus prononcée introduisent l'ambiguïté caractéristique
du genre. Parmi les œuvres les plus représentatives, citons Le Moine de Matthew Gregory
Lewis (1796), Les mystères d'Udolphe d'Ann Radcliffe (1794) et Melmoth, l'homme
errant de Charles Robert Maturin (1820).
Le romantisme
frénétique [modifier]
Article détaillé : Romantisme frénétique.
Pétrus
Borel
La découverte des gothiques anglais donne lieu en France à une profusion
d'oeuvres dites « frénétiques » (On parle aussi de « roman noir »). Encore très
marquées par le merveilleux, ces œuvres introduisent dans le roman français le
goût pour l'horreur et le macabre.
William Beckford était anglais, et
pourtant c'est le français qu'il a choisi pour écrire Vathek (1786), l'un des principaux romans de
tendance frénétique. Il situe l'action en Orient, et donne au roman l'aspect
d'un conte oriental qui rappelle Les Mille et Une Nuits. L'histoire
est celle de la descente aux enfers d'un calife ayant cherché à obtenir des
pouvoirs surnaturels en concluant un pacte avec le Diable.
L'autre grand roman frénétique est Le Manuscrit trouvé à
Saragosse du polonais Jean Potocki, écrit lui aussi en français. Se
présentant sous la forme d'un assemblage de récits indépendants avec quelques
personnages récurrents, il propose une grande diversité de types de récits : le
roman noir, le roman picaresque, le conte, le récits philosophique, etc.
Cependant, le surnaturel est omniprésent dans le roman.
Après ces deux œuvres imposantes, le roman frénétique atteint son apogée avec
les « petits romantiques ». Pétrus Borel, dans Champavert, contes
immoraux (1833) et surtout dans Madame de Putiphar (1839), est encore
plus provoquant que les anglo-saxons, en particulier dans sa complaisance pour
l'horrible. La cruauté des récits de Champavert annonce Auguste de Villiers de
L'Isle-Adam. De plus, Borel a écrit un véritable récit fantastique,
Gottfried Wolfgang (1843).
Parmi les œuvres marquantes du gothique français, il faut aussi évoquer des
romans qui, ayant été écrits dans le but de parodier les récits de Lewis et
Radcliffe, sont devenus d'authentiques romans noirs. Dans ce registre, le
critique littéraire Jules
Janin a notamment écrit L'âne mort et la femme guillotinée (1829). De
même, Les mémoires du Diable de Frédéric Soulié utilise tous les
ressorts du roman gothique, et ne cache pas sa dette envers le Marquis de Sade.
Le
Diable amoureux de Jacques Cazotte [modifier]
L'autre précurseur de la littérature fantastique est le français Jacques Cazotte dont le
court roman, Le
Diable amoureux (1772), est considéré comme le premier récit fantastique
de langue française. Il relate l'histoire d'un jeune homme, Alvare, qui tente de
convoquer le Diable. Celui-ci lui apparaît sous les traits de la charmante
Biondetta. Teinté d'influences ésotériques, ce roman aura une influence directe
sur Charles Nodier et
ses successeurs français.
La naissance du
véritable fantastique : E.T.A. Hoffmann [modifier]
E.T.A.
Hoffmann
C'est en Allemagne au début du XIXe que naît
la littérature fantastique proprement dite, avec Adelbert von
Chamisso (Peter Schlemilh) puis Achim von Arnim et E.T.A. Hoffmann (Fantaisies à
la manière de Callot, Contes nocturnes).
Le fantastique de Hoffmann se caractérise par l'exaltation, le chaos, et la
frénésie. Le roman Les
Elixirs du diable, qui revendique la filiation du Moine de Lewis,
accumule de façon souvent incohérente les épisodes de natures très différentes :
histoire d'amour, méditations esthétiques ou politiques, aventures picaresques,
épopée familiale, extases mystiques, etc. Le thème de la folie et de la solitude
est central dans l'œuvre de Hoffmann comme dans celle de Chamisso.
Hoffmann a eu une influence universelle et pratiquement continue sur le
genre. Ses contes forment un véritable répertoire du fantastique, décliné par la
suite par d'autres auteurs et dans d'autres arts (opéra, ballet, cinéma).
Le
fantastique de langue française [modifier]
Théophile
Gautier
Naissance et essor du fantastique
en France [modifier]
Dès les années 1830 les contes
d'Hoffmann sont traduits en français par Loève-Veimars et
rencontrent un succès spectaculaire. Après Le Diable amoureux de Jacques Cazotte, Nodier est l'un des
premiers écrivains français à écrire des contes fantastiques. Pourtant, il ne
voit dans ce genre qu'une manière nouvelle d'écrire des récits merveilleux[1] ; le
fantastique lui est prétexte au rêve et à la fantaisie. Il écrit d'ailleurs une
étude sur le fantastique[2], qui montre que pour Nodier la frontière
entre merveilleux et fantastique est assez floue. Peuplés de fantômes, de
vampires et de morts-vivants, ses textes possèdent cependant ce qui caractérise
le fantastique : l'ambiguïté, l'incertitude, l'inquiétude. Ses contes les plus
connus sont La Fée aux miettes (1832),
Smarra ou les démons de la nuit (1821) et Trilby ou le lutin
d'argail (1822).
Puis plusieurs des plus grands de la littérature française s'essayent au
genre.
Honoré de
Balzac, auteur d'une dizaine de contes et de trois romans fantastiques, a
été lui aussi influencé par Hoffmann[3]. Outre L'Élixir de longue vie (1830)
et Melmoth réconcilié (1835), sa
principale œuvre fantastique est le roman La Peau de chagrin (1831), dont le
personnage principal a conclu un pacte avec le Diable : il achète une peau
de chagrin qui a le pouvoir d'exaucer tous ses souhaits mais qui, symbolisant sa
vie, se réduit à chaque fois qu'il y a recours. Malgré la composante
fantastique, ce roman est inscrit dans le réalisme : Balzac utilise à la
description pour peindre les lieux de Paris ; il fait intervenir la psychologie
et la situation sociale de ses personnages. Mais dans l'ensemble, l'œuvre
fantastique de Balzac n'est pas conçue comme une finalité. Tout du moins, Balzac
ne cherche pas à effrayer ou à surprendre le lecteur, et ne fait pas intervenir
de quelconques vampires ou loups-garous. Il s'agit plutôt d'une œuvre de
réflexion, inscrite dans le cadre de la Comédie humaine. A travers la
puissance allégorique des personnages et des situations, Balzac écrit avant tout
des contes
philosophiques.
Guy de
Maupassant
Grand admirateur de Hoffmann, Théophile
Gautier est un auteur incontournable de la littérature fantastique. Habités
par la fantaisie et le désir d'évasion, ses contes sont parmi les plus aboutis
sur le plan de la technique du récit. Gautier brille à tenir le lecteur dans le
doute tout au long de ses histoires, et à le surprendre au moment de la chute.
Il est l'auteur de quelques chefs-d'œuvre que l'on retrouve régulièrement dans
les anthologies dédiées au fantastique, tels La
cafetière (1831) et La Morte amoureuse (1836).
Prosper
Mérimée n'a écrit qu'un nombre très restreint d'œuvres fantastiques
(quelques nouvelles tout au plus), mais celles-ci sont d'une grande qualité.
La Vénus
d'Ille (1837), en particulier, est l'une des plus célèbres nouvelles du
genre. Mérimée a également traduit La Dame de pique de Pouchkine, et
qu'il a publié une étude sur Nicolas Gogol, le maître du fantastique
russe.
Après avoir écrit des textes fantastiques sous l'influence du romantisme
allemand de Goethe et d'Hoffmann[4], Gérard de Nerval
a écrit un ouvrage majeur, Aurélia (1855), dans un style plus poétique et
personnel. Il a également rédigé un autre texte dans un style similaire, La
Pandora (1854).
Guy de
Maupassant est à l'évidence l'un des plus grands auteurs de littérature
fantastique. Son œuvre est marquée par le réalisme, genre dans lequel il a bâti
sa renommée ; elle est fortement ancrée dans le quotidien[5]. Ses thèmes récurrents sont la peur,
l'angoisse et surtout la folie, dans laquelle il va d'ailleurs sombrer peu avant
sa mort. On les retrouve dans son chef-d'œuvre, Le Horla (1887). Sous forme de journal intime, le
narrateur relate ses angoisses dues à la présence d'un être invisible.
L'hésitation repose sur la folie possible du narrateur.
Symbolisme et fantastique fin
de siècle [modifier]
Villiers de
L'Isle-Adam
La fin du XIXe siècle
voit l'essor de la littérature dite « décadente », dont les thèmes de prédilection
sont la cruauté, le vice et la perversité. Dans le sillage d'oeuvres telles que
À rebours de Joris-Karl
Huysmans ou Les Diaboliques de Jules
Barbey d'Aurevilly, le fantastique n'est plus une finalité, mais un moyen
permettant de faire passer une provocation, une dénonciation ou une volonté
esthétique. Il n'y a donc plus durant cette période d'« écrivains
fantastiques », mais de nombreux auteurs qui ont écrit quelques textes
fantastiques. Le conte se fait plus maniéré, les descriptions se font riches,
l'exotisme et l'érotisme
deviennent des éléments importants. Enfin, le conte fantastique est une occasion
de faire de la critique sociale, souvent dirigée contre le matérialisme
bourgeois, par exemple dans les Contes cruels de Villiers de L'Isle-Adam.
Par ailleurs, les symbolistes décadents ont largement recours au
fantastique dans leurs contes ; celui-ci n'est alors pas très éloigné de la
fable et de l'allégorie[6].
Léon Bloy a écrit deux
recueils de contes, Sueurs de sang (1893) et Histoires
désobligeantes (1894). Ses récits, même s'ils ne sont pas tous fantastiques,
relèvent de l'étrange ou du surnaturel. Rédigeant dans un style incendiaire,
Bloy a la volonté de choquer ses lecteurs par la cruauté de ses histoires. Un
autre écrivain qui a fait de tout ce qui est cruel, malsain ou sordide sa source
d'inspiration favorite est Jean Lorrain, auteur notamment de Monsieur de
Phocas, l'une des œuvres phares de la littérature fin de siècle.
Ses nombreux contes fantastiques sont répartis dans plusieurs recueils, dont le
meilleur est certainement Histoires de masques (1900).
Le symboliste
Marcel Schwob est resté
insensible à l'atmosphère délétère des œuvres décadentes. Utilisant le
merveilleux et l'allégorie pour faire du fantastique, il est l'auteur de deux
recueils de contes, Cœur Double (1891) et Le Roi
au masque d’or (1892). Il convient aussi de retenir le recueil
Histoires magiques (1894) d'un autre symboliste, Rémy de
Gourmont, dans lequel l'influence de Villiers de L'Isle-Adam
est indéniable, et qui est le seul de son auteur à contenir des contes
fantastiques.
Henri de
Régnier a écrit en 1919 un recueil de trois nouvelles fantastiques
d'importance, Histoires incertaines[7], dont l'esthétique est directement
influencée par la littérature fin de siècle.
Le fantastique belge
[modifier]
Le développement d'une littérature fantastique particulière en Belgique au
XXs est une chose curieuse, mais indiscutable. Il est d'autant plus important de
l'évoquer, que le fantastique joue un rôle central dans la littérature belge en
général. Le fantastique belge naît du symbolisme et du réalisme à la fin du XIXe[8]. Le symbolisme crée une atmosphère propice
à l'intrusion du surnaturel, que ce soit par l'allégorie, la féérie, ou son
caractère allusif. L'œuvre majeure de ce courant est Bruges-la-Morte de Georges Rodenbach
(1892). A côté du symbolisme se développe un courant réaliste et rustique, dont
le principal représentant est Georges Eekhoud. Marquée par un réalisme de
l'outrance et de l'hyperbole[9], son œuvre laisse apparaître un recueil
majeur, Cycles patibulaires (1892)
Deux écrivains ont contribué à apporter au fantastique belge sa maturité : Franz Hellens et Jean Ray. Le premier, alternant entre
symbolisme et réalisme, s'est illustré dans un genre que l'on qualifie parfois
de « réalisme
magique ». Ses ouvrages principaux sont Nocturnal (1919) et Les
réalités fantastiques (1923). Le second est certainement le plus connu de
tous. Jean Ray est un réel
novateur de la littérature du surnaturel au XXe. Il a la particularité d'avoir considéré le genre
fantastique comme une totalité, et s'y est consacré de manière exclusive. Il est
l'auteur d'un fantastique débridé dont la plus grande réussite est Malpertuis (1943).
Enfin, Michel de Ghelderode, en marge de son
imposante œuvre théâtrale, a également écrit Sortilèges (1945), un
recueil de nouvelles fantastiques tenu pour une référence du genre.
L'Angleterre
victorienne [modifier]
Oscar
Wilde
L'Angleterre victorienne n'a suscité que peu d'auteurs fantastiques à
proprement parler, les subtiles ambiguïtés propres au genre ne trouvant guère
d'écho dans la tradition littéraire anglaise. Ainsi des nouvelles de Thomas de Quincey,
qui s'inscrivent plus nettement dans la tradition du roman gothique que dans
celle du fantastique.
L'Irlandais Sheridan Le Fanu est l'auteur de Carmilla (1871), un roman gothique
dont l'originalité réside dans le personnage de la femme vampire homosexuelle.
Il a inspiré le célèbre Dracula
de son compatriote Bram
Stoker (1897), chef-d'œuvre incontesté des histoires de vampires.
Oscar Wilde écrit
également l'un des plus célèbres romans fantastiques anglo-saxons, Le
Portrait de Dorian Gray (1891), dans lequel le personnage principal voit
son portrait vieillir et prendre chaque marque de ses vices, tandis que lui
possède la jeunesse éternelle et se livre à tous les excès. Wilde développe dans
ce texte sa réflexion sur l'esthétisme et met en scène le conflit entre les
déchéances physique et morale. La sensualité et l'homosexualité parcourent
également l'ouvrage en filigrane. Dépassant largement le cadre du fantastique,
ce roman a exercé une forte influence sur la littérature française, en
particulier sur les écrivains décadents[10]. Par ailleurs, Oscar Wilde a écrit une
parodie d'histoire de fantômes, Le Fantôme de Canterville
(1887).
D'autres écrivains de grande renommée ont signé quelques textes fantastiques,
que ce soit Robert Louis Stevenson (Markheim,
Olalla) ou bien Rudyard Kipling.
L'écrivain anglo-américain Henry James a régulièrement abordé le fantastique
au cours de sa carrière littéraire, et plus précisément les histoires de
fantômes[11]. Le
plus abouti de ses textes est Le Tour d'écrou (1898), une
référence dans l'art de l'hésitation entre explication rationnelle et
irrationnelle. Le style allusif de James amène le lecteur à douter de chacun des
protagonistes tour à tour, de sorte que la vérité ultime sur cette histoire
n'est pas révélée à la fin du récit ; ce choix est laissé au lecteur. Ce livre
est aussi remarquable pour le caractère fantomatique de ses personnages[12].
Cette période vit aussi la naissance de nouveaux genres de littérature
populaire : le roman
policier avec Wilkie
Collins, la science-fiction avec H. G. Wells et Mary Shelley. Bien plus tard, c'est encore en
Angleterre que naîtra le genre Fantasy, avec Bilbo le Hobbit de J. R. R. Tolkien
(1937).
Le fantastique
américain [modifier]
Edgar
Poe
A sa naissance au début du XIXe siècle,
la littérature américaine est
fortement marquée par le roman gothique anglais et le fantastique. Nathaniel
Hawthorne, puis Washington Irving et surtout Edgar Allan Poe
imposent aussi la nouvelle et le conte comme formes d'expression privilégiées.
Poe joue aussi un rôle particulier en élaborant une théorie esthétique
personnelle. Enfin, il fait aussi partie des pionniers de la science-fiction et du roman policier.
Washington
Irving, l'un des premiers grands écrivains américains, a écrit de nombreux
contes qui se rapprochent plus de la légende que du récit surnaturel à
proprement parler. Il se caractérise par son réalisme, ainsi que par le ton
ironique qu'il emploie. Son recueil le plus connu est le Sketch Book
(1819), qui contient le conte Rip Van Winckle, l'une des deux premières
œuvres fantastiques américaines vraiment originales, avec Peter Rugh, le
disparu de William Austin (1824)[13].
Nathaniel
Hawthorne a rédigé quelques textes faisant appel au surnaturel[14]. Ils
sont marqués par l'oppression dans une Amérique puritaine, et ont pour thème
récurrent la malédiction, en référence aux légendes de sorcellerie.
Quoique le fantastique occupe peu de place dans son œuvre abondante, Francis
Marion Crawford est l'auteur d'un recueil de grande qualité dans le genre,
Wandering Ghosts[15] (1891).
Tout en s'inspirant de cette tradition, H. P. Lovecraft lui donne un tour particulier,
plus proche de l'horreur. Lovecraft inspirera de
nombreux auteurs au XXe siècle,
notamment Stephen
King.
Le fantastique russe
[modifier]
Les récits
populaires [modifier]
C'est Alexandre Pouchkine qui introduisit le
genre fantastique en Russie avec le célèbre conte la Dame de pique (1834). À partir de cette
date le fantastique devint un genre de prédilection de la littérature russe,
trouvant ses thèmes dans les contes et légendes populaires. Apparaît alors un
fantastique proche du merveilleux, dans des œuvres telles que La famille du
Vourdalak d'Alexis Konstantinovitch
Tolstoï, L'effroyable vengeance de Nicolas Gogol ou encore Le pré Béjine d'Ivan Tourgueniev.
Nicolas
Gogol
Le réalisme
fantastique [modifier]
La littérature fantastique russe va vraiment trouver une unité et un
caractère propre dans des œuvres réalistes marquées par une inquiétude profonde,
faisant preuve d'une plus grande sincérité que les bijoux littéraires issus de
la « mode » du fantastique, en France notamment[16]. C'est le cas du Manteau de Gogol
et de L'aigle blanc de Nikolaï Leskov. On retrouvera ce réalisme
bien plus tard dans le roman de Andreï Biély, Petersbourg, et
dans Un démon de petite envergure de Fédor Sologoub.
Le grotesque [modifier]
Encouragé par Pouchkine, Nicolas Gogol publie des contes fantastiques dont
les plus célèbres sont le Nez et le Journal d'un fou, publiées
dans le recueil des nouvelles de Pétersbourg. Ces
récits introduisent un changement de nature assez profond par rapport à la
tradition fantastique. La peur y joue un rôle négligeable ; en revanche
l'absurde et le grotesque deviennent un élément essentiel. Ce style nouveau fera
des émules en Russie même : Le Double, un des premiers romans de Dostoïevski, est directement inspiré de
l'œuvre de Gogol.
Le fantastique
de langue allemande des années 1890-1930 [modifier]
Gustav
Meyrink
Le début du XXe est marqué par l'essor
dans les pays germanophones d'un fantastique sombre et pessimiste. Les oeuvres
qui paraissent durant cette période deviennent des sources d'inspiration du cinéma
expressionniste qui se développe alors en Allemagne.
Gustav Meyrink est
l'un des plus grands écrivains fantastiques de cette période. Grand amateur de
sciences occultes, il distille dans ses romans des thèses occultistes dans le
but d'initier ses lecteurs. Son roman le plus célèbre, Le Golem (1915),
est placé sous le signe de la Kabbale. Il peint le tableau d'une humanité
dégradée et misérable dans le quartier juif de Prague. Son autre roman
fantastique majeur est La Nuit de Walpurgis (1917).
Il a pour thème la violence et la folie collective, et fait écho à la boucherie
de la Première Guerre Mondiale.
Plus controversé, Hanns Heinz Ewers est l'auteur d'une œuvre
abondante qui, si elle lorgne plus souvent sur l'étrange que sur le fantastique,
reste largement dans le domaine du surnaturel. Avec un penchant prononcé pour le
macabre, le sang, et un érotisme malsain, ses ouvrages se veulent provocateurs
et ont souvent été jugés immoraux. Ewers est surtout connu pour son roman Mandragore. Il est l'auteur d'un
autre roman significatif, L'Apprenti-sorcier (1909) , ainsi que de
nombreuses nouvelles, dont la plus connue est L'Araignée (1907).
L'écrivain et dessinateur autrichien Alfred Kubin a publié en 1909 un unique roman
fantastique, L'Autre Côté, où l'on retrouve
l'atmosphère cauchemardesque de ses dessins. Ce roman, dans lequel le rêve et la
réalité forment un écheveau inextricable, est considéré par Peter Assman, le
principal biographe de Kubin, comme « un pas essentiel pour le développement de
la littérature fantastique européenne »[17].
D'autres œuvres fantastiques importantes sont écrites durant cette période,
notamment Le marquis de Bolibar de Leo Perutz et Le baron
Bagge d'Alexander Lernet-Holenia. C'est
également à cette époque que Franz Kafka rédige La métamorphose, que l'on considère
parfois comme une nouvelle fantastique.
Jorge Luis Borges [modifier]
Entre 1920 et 1960, la ville de Buenos Aires est le centre d'une intense activité
littéraire et culturelle. C'est aussi un lieu de refuge pendant les années de
guerre pour des écrivains européens liés à la littérature fantastique tels que
Witold
Gombrowicz et Roger
Caillois. En 1931 se créé la revue Sur (Le Sud) sous la
direction de Victoria
Ocampo. Parmi ses collaborateurs se trouvent Jorge Luis Borges, Adolfo Bioy
Casares, et Silvina
Ocampo, sœur de Victoria et épouse de Bioy Casares.
Cette revue devient le lieu d'un nouveau regard sur la littérature
fantastique, porté par l'érudition et le goût du pastiche. Borges déclare ainsi
que « l'érudition est la forme moderne du
fantastique ». Ce fantastique que l'on pourrait qualifier de post-moderne cherche ses thèmes aussi bien dans
l'histoire littéraire que dans la philosophie et la théologie, tout en
conservant un caractère angoissant ou effrayant. De nouveaux thèmes sont
explorés : les voyages à travers le temps, les mondes parallèles, les vies
parallèles...
Aspects du
fantastique [modifier]
Détail de L'Enfer de Jérôme Bosch
La peur [modifier]
La lecture de textes fantastiques provoque souvent mais non nécessairement –
un sentiment de peur ou d'angoisse. Sigmund Freud explique ce sentiment par l'inquiétante
étrangeté propre à la littérature fantastique. Le terme allemand utilisé
par Freud est unheimlich qui signifie « non-familier » mais aussi
« non-caché ». Ainsi, le propre du fantastique serait de révéler des choses
habituellement cachées, des choses que nous ne voulons pas voir : le sang, les
cadavres, la nuit, les ruines.
Le Mal [modifier]
Les manifestations du surnaturel dans la littérature fantastique sont
généralement néfastes : pas de place pour les anges, les bonnes fées ou les bons
génies. Le fantastique fait la part belle au Mal et à ses incarnations. C'est aussi une littérature de
la souffrance, de la folie, de l'échec. En ce sens, elle marque une rupture
profonde avec l'optimisme du siècle des Lumières. Cet aspect trouvera un écho au
XXe siècle
chez les surréalistes.
La sexualité [modifier]
Le Cauchemar, Johann Heinrich
Füssli.
La psychanalyse
interprète volontiers le genre fantastique comme l'expression de désirs sexuels
inavouables. Il est relativement facile en effet d'associer à chacun des
thèmes du fantastique une forme de sexualité anormale : ainsi, la sorcellerie
équivaut à la nymphomanie, le vampirisme au sado-masochisme etc.[réf. nécessaire]
Toutefois cet aspect concerne plutôt le surnaturel en général que le fantastique. De plus,
comme tous les symboles, les thèmes du fantastique peuvent recevoir des
interprétations différentes suivant le contexte. Ainsi le symbole du Double peut
signifier l'isolement d'un individu qui n'a plus de contact avec le monde
extérieur.
Par ailleurs la sexualité intervient explicitement et non plus symboliquement
dans de nombreux récits fantastiques. Un désir amoureux très violent est souvent
la cause qui amène le héros à basculer dans un univers fantastique (par exemple
la Chevelure de Maupassant ou encore le diable amoureux).
La
littérature fantastique et la censure [modifier]
Le fantastique a souvent été utilisé par des auteurs pour contourner la
censure. Les romantiques allemands ont ainsi pu glisser des critiques politiques
sous les dehors de la fiction. Parfois le simple fait d'adopter le genre
fantastique vaut revendication de l'autonomie de la littérature contre ceux qui
veulent l'asservir : ainsi des auteurs russes dissidents à l'époque du réalisme
socialiste.
De même, on tolérera plus facilement des idées choquantes si elles sont
présentées comme l'œuvre de la folie ou du Diable : scènes scabreuses du
fantastique fin de siècle français, phobie raciste et misanthrope chez H. P. Lovecraft,
etc.
Le
fantastique en tant que littérature de l'interprétation [modifier]
Le texte fantastique est par nature ambigu et demande à être interprété
correctement. Les auteurs ont donc souvent recours à des techniques narratives
qui conditionnent le lecteur. Les textes courts (contes et nouvelles) qui
permettent de maintenir la tension dramatique sont privilégiés. Il est souvent
fait appel à un narrateur, parfois redoublé d'un second narrateur qui introduit
le récit et le met à distance.
Le lecteur du texte fantastique se retrouve face à un choix paradoxal : soit
il fait confiance au narrateur et accepte la version « surnaturelle », et alors
le texte devient évidemment une fiction ; soit il préfère une explication
« rationnelle » qui ramène le texte dans le champ du réalisme, mais alors il
doit mettre en doute la crédibilité du narrateur.
On peut aussi envisager le fantastique comme l'interprétation littérale de
figures métaphoriques. Ainsi le cloporte de la Métamorphose de Kafka est
à la fois une métaphore de l'individu insignifiant et un véritable insecte. Le
fantastique amène donc à s'interroger sur ce qu'est un texte littéraire et sur
son rapport à la réalité. Dans At Swim-Two-Birds par exemple, Flann
O'Brien imagine ainsi un auteur aux prises avec ses personnages qui refusent de
lui obéir, un thème que développera également Marcel Aymé.
Voir aussi [modifier]
Notes et
références [modifier]
- ↑ Voir le chapitre Nodier et Balzac : une
première synthèse, p. 58, in Jean-Baptiste Baronian, Panorama de la
littérature fantastique de langue française, éditions de La Table Ronde,
2007. - ↑ Voir la bibliographie
- ↑ Voir l'article sur E.T.A Hoffmann, ici.
- ↑ les nouvelles La main de gloire et Le
Diable vert. - ↑ Voir p. 111 de Jean-Baptiste Baronian,
Panorama de la littérature fantastique de langue française - ↑ Voir le chapitre symbolisme, allégorie et
fantastique, p. 136, in Jean-Baptiste Baronian, Panorama de la
littérature fantastique de langue française - ↑ Ce recueil contient en particulier la nouvelle
L'entrevue. - ↑ Cf. p. 6 de Jean-Baptiste Baronian, Un
fantastique de réaction, préface à l'anthologie La Belgique
fantastique, éditions Marabout, 1975 - ↑ Cf. p. 7 de Jean-Baptiste Baronian, Un
fantastique de réaction, préface à l'anthologie La Belgique
fantastique, éditions Marabout, 1975, - ↑ Cf. Jean-Baptiste Baronian, op. cit., p. 129.
- ↑ Cf. Jacques Finné, présentation de Henry James
dans l'anthologie L'Amérique fantastique, éditions Marabout, 1973, p.
173. - ↑ Cf. Edmond Jaloux, préface au Tour
d'écrou, collection Marabout Fantastique n°412. - ↑ Cf. Jacques Finné, L'Amérique
fantastique, p. 37. - ↑ Ses récits fantastiques ont été rassemblés dans
le recueil La vieille fille blanche et autres contes fantastiques aux
éditions Marabout, 1973. - ↑ Ce recueil a été publié en français sous le nom
Car la vie est dans le sang, d'après le titre de l'une des meilleures
nouvelles qu'il contient, aux éditions Neo. - ↑ Cf. Jean-Pierre Bours, Ce que dit la bouche
d'ombre, préface à l'anthologie La Russie fantastique, éditions
Marabout, 1975. - ↑ Peter Assman, Alfred Kubin 1877-1959,
1995.
Bibliographie [modifier]
- Jean-Baptiste Baronian, Panorama de
la littérature fantastique de langue française, Stock, 1978. - Roger
Bozzetto, L’Obscur objet d’un savoir, fantastique et science-fiction,
deux littératures de l’imaginaire, Aix-Marseille, Université de Provence,
1992; - Marcel Brion, Art
fantastique, Albin Michel, 1989; - Roger Caillois,
De la féérie à la science-fiction, préface à son Anthologie du
fantastique, Gallimard, 1966; - Pierre-Georges Castex, Le conte
fantastique en France. De Nodier à Maupassant, José Corti, 1962; - Daniel
Fondanèche, « Fantastique » in Paralittératures, Vuibert, 2005; - Denis
Labbé et Gilbert
Millet, Le Fantastique, Belin, 2005; - Jad Hatem, La Genèse du
monde fantastique en littérature, Hammana, Librairie Tarazi, 1980; - Jean Le Guennec :
- Raison et déraison dans le récit fantastique, l’Harmattan, 2003;
- États de l’inconscient dans le récit fantastique, l’Harmattan, 2002;
Lysøe, Littératures fantastiques. Belgique, terre de l'étrange,
Labor, 2003;
n° 33, 2002 [2003], p. 37-66;
par un auteur anonyme belge, Anacharsis, 2007 [1];
Fantasmagorie, essai sur l’optique fantastique, PUF, Paris, 1982;
1991;
1998;
Steinmetz, La littérature fantastique, Presses Universitaires de
France, 1960;
Introduction à
la littérature fantastique, Seuil, 1971;
Vax :
Presses Universitaires de France, 1964;
France, 1960.
Catégories [modifier]
- catégorie:Littérature
fantastique - catégorie:Écrivain de
fantastique - Catégorie:Nouvelle
fantastique - Catégorie:Roman fantastique
Articles connexes [modifier]
- une Liste d'auteurs fantastiques, et
leurs œuvres principales. - le Roman gothique,
précurseur du fantastique - l'Art
fantastique - la collection Marabout Fantastique, la plus imposante
qui fut jamais consacrée entièrement à la littérature fantastique.
Le fantastique ne doit pas être confondu avec :
- le Merveilleux
- la Science-fiction
- la Fantasy
Liens externes [modifier]
Sur les autres projets Wikimedia :
- Fantastique sur
Wikisource (bibliothèque universelle)
- Éditeurs
- La
Clef d'Argent - Littérature Fantastique - Fanzine Carfax, publication québécoise consacrée au
fantastique, 1984-1987 Pierre Lacroix, fanéditeur. - Le magazine Khimaira consacre nombre d'articles au genre
fantastique
et Calliope
fantastique et de Science-Fiction.
et définition du fantastique et de la science-fiction cinématographiques par
le théoricien du cinéma Jean-François Tarnowski, dans la
revue Positif
Bibliothèque comparatiste
l'écrivain polonais Stanislas Lem concernant la définition proposée
par T. Todorov du genre fantastique.
Minne à propos d'un ouvrage de R. Bozzetto et A. Huftier.
Légendes : http://www.mythesetlegendes.fr
السبت 31 أغسطس 2013, 11:30 من طرف ikram talabi 3/8
» علامات يوم القيامه الصغرى والكبرى
السبت 31 أغسطس 2013, 11:06 من طرف ikram talabi 3/8
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الجمعة 29 مارس 2013, 18:37 من طرف عبدالالاه
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